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En se représentant devant les électeurs pour revenir à la tête du pouvoir exécutif américain, Donald J. Trump n’avait pas uniquement à l’esprit de servir les intérêts de son pays, mais aussi les siens. L’ancien – et désormais prochain – président des Etats-Unis fait l’objet d’accusations portées dans quatre dossiers distincts. Or, son retour dans le bureau Ovale en janvier devrait mettre un terme à au moins deux des quatre procédures engagées contre lui, et met en péril la survie juridique des deux autres dossiers.
Déclaré coupable de 34 chefs d’accusation le 30 mai dernier dans l’affaire dite « Stormy Daniels », par un grand jury de la ville de New York, Donald Trump ne devrait pas être condamné dans les quatre prochaines années, le juge Juan Merchan ayant annoncé le 22 novembre de suspendre sine die le prononcé de la peine.
Le juge new-yorkais avait initialement programmé le prononcé de la peine au 11 juillet, mais la décision de la Cour suprême du 1er juillet sur l’immunité pénale des anciens présidents a contraint le juge à reporter l’annonce de la peine au 18 septembre, puis une seconde fois au 26 novembre. Le magistrat devait d’abord statuer le 12 novembre sur la possibilité même de prononcer une peine, mais il a décidé de décaler encore d’une semaine cette décision. Les avocats de M. Trump pouvaient en effet contester sa décision en revendiquant le fait que le président élu doit pouvoir bénéficier de la même protection que le président sortant ou en demandant un délai supplémentaire (ou les deux).
Les spécialistes s’accordaient pour dire qu’une condamnation du président élu à de la prison serait probablement jugée anticonstitutionnelle, selon le Financial Times. Le juge ne devrait donc pas pouvoir légalement prononcer une condamnation avant le départ de M. Trump de la Maison Blanche. Mais même en cas de condamnation à une autre peine, il est quasi certain que le futur président ferait appel. En parallèle, ses avocats ont demandé au deuxième circuit des cours d’appel fédérales des Etats-Unis de retirer, à l’instar du cas géorgien, l’affaire des mains de la justice locale pour en faire une affaire fédérale, qui serait alors à portée du gouvernement de M. Trump. Mais la décision du juge Merchan d’accepter d’entendre les arguments de la défense pour une annulation pure et simple des poursuites pourrait clore le dossier bien plus tôt.
Mis en accusation depuis le 2 août 2023 pour avoir tenté de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 et d’empêcher la certification des résultats par le Congrès le 6 janvier 2021, Donald Trump ne sera plus inquiété par ces graves accusations de « conspiration contre les Etats-Unis ».
Le procureur spécial Jack Smith, qui enquête sur ce dossier et sur l’affaire du recel de documents classifiés dans la résidence de M. Trump de Mar-a-Lago, a demandé le 25 novembre l’abandon des poursuites pénales dans ces deux dossiers, en raison de l’immunité dont bénéficiera M. Trump une fois qu’il entrera en fonction.
Le département de la justice américain interdit en effet qu’un président en exercice soit mis en accusation par le pouvoir judiciaire fédéral. Cette politique, en application depuis 1973, empêche les procureurs fédéraux d’inculper le président des Etats-Unis au motif qu’une telle mise en accusation « porterait atteinte de manière inconstitutionnelle à la capacité du pouvoir exécutif à exercer ses fonctions ».
Durant sa campagne, M. Trump a maintes fois promis de « virer » M. Smith. Après son investiture, le 20 janvier, le nouveau président devrait nommer un procureur général qui pourrait ordonner l’abandon des poursuites pénales et limoger le procureur spécial.
Début 2029, à la fin de son deuxième mandat, M. Trump redeviendra un citoyen passible de poursuites judiciaires, mais la décision de la Cour suprême du 1er juillet 2024, qui a considérablement élargi l’immunité pénale dont jouit le président, pourrait compliquer d’éventuelles poursuites ultérieures. Avec la réélection du président, on ne sait pas si l’acte d’accusation, qui avait été révisé par l’équipe de Jack Smith en août 2024 à la suite de cette décision, aurait pu passer les fourches de la Cour suprême, les probables appels des avocats de Donald Trump et aboutir à un procès.
Le dossier fédéral du recel des documents gouvernementaux dans la résidence floridienne de M. Trump sera lui aussi classé sans suite, à l’instar des accusations liées au 6 janvier 2021. A la différence que, dans ce dossier, les poursuites ont déjà été abandonnées en juillet 2024. La juge fédérale Aileen Cannon a estimé, à rebours de vingt-cinq ans de jurisprudence fédérale, que le procureur spécial Jack Smith avait été nommé illégalement.
L’équipe du procureur Smith avait fait appel de cette décision le 26 août. L’accusé revenant au pouvoir, l’enjeu de cet appel – toujours en cours – n’est plus tellement de ressusciter le dossier pour continuer à poursuivre M. Trump, mais d’invalider la décision de la juge Cannon, qui risque de fragiliser la capacité du pouvoir judiciaire à nommer des procureurs spéciaux.
La légalité de la décision de la juge Cannon a été très vivement critiquée l’été dernier ; elle a d’autant plus attiré l’attention que Mme Cannon avait été nommée par Donald Trump en mai 2020 et que la juge n’en était pas à sa première décision surprenante en faveur de l’ancien président. Au point que de nombreux observateurs et d’anciens juges fédéraux ont publiquement exprimé des doutes sur l’impartialité de Mme Cannon.
Dans ce dossier, Donald Trump est accusé, aux côtés de quatorze personnes, d’avoir tenté de changer les résultats de l’élection présidentielle de 2020 dans l’Etat de Géorgie, et de subvertir le vote de ses électeurs. Après deux ans et demi d’enquête menée par le bureau de la procureur du district de Fulton, Fani Willis, M. Trump a été inculpé en août 2023 par un grand jury pour treize chefs d’accusation.
Mais à la différence des dossiers liés aux événements du 6 janvier 2021 et aux documents classifiés, M. Trump n’est pas poursuivi par la justice fédérale mais par la justice de l’Etat de Géorgie. Or, le département de la justice fédérale de Washington n’a aucun pouvoir sur le système judiciaire des Etats. De même, dans le cas très hypothétique où M. Trump serait condamné à une peine par le juge d’un Etat avant d’entrer en fonctions le 20 janvier 2025, il ne pourrait pas se gracier lui-même, puisque ce pouvoir n’est applicable que sur les condamnations fédérales. Seul le gouverneur de l’Etat a ce pouvoir. C’est la raison pour laquelle les avocats de M. Trump ont tenté, depuis l’été 2023, de retirer l’affaire des mains de Fani Willis pour en faire une affaire fédérale. En vain.
L’avenir du dossier reste très incertain pour le moment. Les spécialistes estiment qu’il est peu probable qu’un juge de l’Etat autorise la procureur Willis à poursuivre M. Trump une fois qu’il sera redevenu président, pour les mêmes raisons de constitutionnalité qui poussent le département de la justice à l’interdire au niveau fédéral.
Le dossier de l’accusation pourrait donc être gelé tant que M. Trump sera président. Mais même mises en pause, les poursuites pourraient ne pas survivre aux coups de boutoir des avocats de Donald Trump.
Deux leviers s’offrent à eux. Le premier est de disqualifier Fani Willis pour lui retirer le dossier des mains. Les avocats de Donald Trump ont fait une première requête en janvier 2024, mais le juge chargé de l’affaire, Scott McAfee, les a déboutés. Ceux-ci ont fait appel et la procédure est toujours en cours, l’audition des arguments de chaque partie étant programmée le 5 décembre. La décision ne devrait pas intervenir avant mars 2025. Si la défense de M. Trump parvient à écarter Mme Willis, nombreux sont les experts légaux à penser qu’aucun autre procureur de l’Etat ne reprendra le dossier.
Si l’appel de M. Trump échoue, il est probable que le cas soit porté devant la Cour suprême de l’Etat de Géorgie pour trancher définitivement. Et même dans le cas où les avocats ne parviendraient pas à écarter Fani Willis du dossier, les chances d’aboutir à un procès diminueront avec le temps.
Mise à jour le 12 novembre à 18 h 20 : ajout de la suspension de la décision du juge Merchan.
Mise à jour du 20 novembre à 10 h 35 : ajout de la position des procureurs de Manhattan.
Mise à jour du 22 novembre à 17h42 : ajout de la décision du juge Merchan.
Mise à jour du 26 novembre à 13h50 : ajout de l’abandon des poursuites demandée par Jack Smith.
Gary Dagorn
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